Deux nouvelles lettres maçonniques du Roi d’Araucanie
Tout récemment, peinant sur d’austères recherches dans les archives de l’Ordre, nous découvrîmes fortuitement deux perles. Sans doute en compensation de ces travaux arides, le Grand Architecte mit en effet sous yeux deux nouvelles lettres maçonniques du F:. Orélie-Antoine de Tounens (1825-1878). L’histoire d’Orélie-Antoine est celle de « L’homme qui voulut être Roi ». Il était une fois un avoué à Périgueux qui se réveilla un jour avec l’idée que son destin était d’être Roi dans l’une de ces terres nouvelles que l’Europe finit de découvrir. Quelques temps après, il s’embarque pour l’Amérique du Sud et, à la suite de pérégrinations romanesques, est reconnu pour Roi par les Mapuches d’Araucanie qui luttent alors contre l’annexion de leurs terres par la République du Chili. Son règne ne dure guère plus d’un an avant que l’armée chilienne ne réduise la révolte mapuche, mette leur singulier roi à l’ombre, puis le renvoie à Paris. Or « Orélie-Antoine 1er d’Araucanie et de Patagonie » a longtemps été un honorable membre de la Loge du Grand Orient de France de Périgueux : « Les Amis Persévérants et l’Étoile de Vésone ». Il fit donc largement appelle à ses Frères pour soutenir son expédition puis, par la suite, pour essayer de reconquérir son royaume.
Les deux lettres providentiellement mises à jour sont des courriers au Frère Chassin, alors Vénérable de la Loge de Bordeaux Les Francs Chevaliers de Saint-André d’Écosse. Le premier, du 20 octobre 1863, annonce la sortie du livre « Orélie-Antoine 1er roi d’Araucanie et de Patagonie, son avènement au trône et sa captivité au Chili, relation écrite par lui-même » et sollicite la Loge pour qu’elle en fasse la promotion auprès des journaux bordelais. Le Roi reçut-il une réponse encourageante ? Toujours est-il qu’il écrit, le 24 novembre 1863, une seconde missive aux Francs Chevaliers de Saint-André d’Écosse, demandant cette fois un soutien plus global à sa cause :
« T:.[rès] C:.[her] V:.[énérable],
Je viens invoquer votre appui pour ma cause qui est celle de la France, car, comme je le dis dans mon livre que j’offre en cadeau à la respectable [Loge] que vous avez la faveur de présider et comme cela résulte des pièces du procès que m’a fait le Chili, ma prise de possession de l’Araucanie et de la Patagonie n’était, dans ma pensée, que le point de départ d’une colonie française.
Votre patriotisme et la f:.[raternité] qui nous unit sont un sûr garant de l’empressement que vous mettrez ainsi que tous nos f:.[rères] dans la propagation de mon livre.
Recevez, T:.C:.V:. mes sincères remerciements et mon d:.[évouement] f:.[raternel]
Pce O. A. de Tounens »
Dans l’une des deux lettres on peut admirer le magnifique sceau du Royaume d’Araucanie… en exil. Dans les quinze années qui lui restaient à vivre, toujours en quête de son royaume perdu, Orélie-Antoine connaitra encore bien des aventures. Des décennies plus tard, son épopée improbable inspirera écrivains et poètes.
De l’écossisme aux Stuarts : le n° 177-178 de Renaissance Traditionnelle
Ce numéro 177-178 de Renaissance Traditionnelle sort des presses au moment où se tient à Paris, dans le cadre prestigieux de la Bibliothèque nationale de France, une grande conférence internationale d’histoire de la franc-maçonnerie. RT en est partenaire et associée pour l’occasion à deux autres importantes revues : les Ars Quatuor Coronatorum britanniques et Heredom, la revue de la Scottish Rite Research Society américaine. Nous proposons donc ici, en quelque sorte, un échantillon de la recherche maçonnique francophone. L’abbé Prévost reste un des grands noms de la littérature française du XVIIIe siècle avec son célèbre Manon Lescaut que nous étudions encore au Lycée. Christophe de Brouwer nous apprend que cet aventureux abbé est aussi l’auteur de l’un des premiers textes en français sur la franc-maçonnerie. Il nous restitue ses sources et nous retrace son contexte. Le nom de Valois apparaît à plusieurs reprises dans les débuts de l’écossisme. Après de longues recherches, Louis Trébuchet a pu identifier Charles de Valois et nous présente cette personnalité du milieu maçonnique parisien des années 1740-1750. Derrière l’homme, c’est le profil intellectuel et culturel que retiendra l’historien. Hauts grades toujours avec ce Manuscrit Saint-Domingue 1764 qui apparaît maintenant, sans conteste, comme un témoignage essentiel sur le système propagé par Etienne Morin à Saint-Domingue dans les années 1760. Il présente le premier état de ce qui deviendra, après un détour par les États-Unis, le Rite Écossais Ancien Accepté. On pourrait reprendre, en l’adaptant, la formule provocante de David Stevenson à propos des origines de la franc-maçonnerie : finalement le REAA est un gâteau fait et cuit en France avec un glaçage américain ! N’oubliez pas au passage d’admirer ce magnifique tableau du Royal Secret que l’on peut maintenant dater de 1764. Hervé Hoint-Lecoq nous propose une étude originale et pionnière avec un itinéraire dans les Loges des grandes villes en suivant les guides de voyage du XVIIIe siècle. C’est une véritable empreinte de la sociabilité cosmopolite que la Maçonnerie met en œuvre dans l’Europe des Lumières. Les Stuarts et la franc-maçonnerie, quel sujet plus mythique ? Nos lecteurs découvriront des documents authentiques attestant que, in fine, Charles Edouard a bien assumé la charge de Grand Maître de l’« Ordre du Temple de Saint-Jean » et a été « reconnu comme tel » par les Maçons. Du Temple encore avec Louis-Théodore Juge, personnalité de la Maçonnerie parisienne de la monarchie de Juillet, un temps fouriériste, qui aimait à se présenter comme « Grand Maître du Conseil de Kadosh de la Clémente Amitié, Grand Bailli de l’Ordre du Temple ». Marc Mirabel et Thierry Boudignon mettent un visage et une vie sur ce nom rencontré tant de fois dans les archives. Ce numéro s’achève par un complément passionnant de « Johannes, eques a Clara Luce » sur l’héraldique des CBCS et une consistante note de lecture de Pierre Lachkareff sur les ouvrages importants publiés récemment par Yves Hivert-Messeca. Voilà donc un beau programme pour ce numéro qui inaugure la… quarante-sixième année de notre revue
Pour acquérir le n° voir : http://www.renaissance-traditionnelle.com