2018: Louis Charrière et les 80 ans du Grand Prieuré Indépendant de France
Dans le domaine de l’histoire maçonnique, 2018 marque bien sûr les 240 ans du Convent des Gaules – qui vit la première fixation du Régime Ecossais Rectifié – mais aussi les 80 ans du Grand Prieuré Indépendant de France, fondé en 1938 sous le beau nom de « Grand Prieuré Indépendant des Anciennes Provinces de France », la structure qui gère le parcours des Maçons rectifiés au-delà du grade de Maître au Grand Orient de France. Le principal artisan de cette création est Louis Charrière, un Maçon aujourd’hui un peu oublié mais auquel les Frères RER du GODF sont heureux de rendre aujourd’hui un hommage mérité.
« Fidèle et dévoué collaborateur » de Camille Savoire dans une période où le Régime Écossais Rectifié est devenu un sujet d’intérêt majeur du Grand Commandeur du Grand Collège des Rites, Louis Charrière devait être étroitement associé à ses projets. À l’initiative de Savoire, il fait partie des quelques Frères envoyés à Genève pour être armés CBCS le 5 novembre 1932. Comme « secrétaire administratif » il participe de près aux deux chantiers que Savoire mène de front. La création d’ateliers du RER au sein du Grand Orient, les difficiles négociations du Grand Commandeur avec le Conseil de l’Ordre pour assurer au rite le respect de ses spécificités et une large autonomie. Dans un premier temps, le charisme de Camille Savoire au sein de l’obédience lui permit d’avoir gain de cause auprès du Conseil. Ainsi, le 16 septembre 1933, le Grand Collège des Rites crée en son sein un Grand Directoire du RER. En revanche, le Convent de septembre 1934 fit l’objet d’une véritable campagne interne de dénigrement et refusa finalement d’entériner les accords qui avaient été trouvés. Ce refus, mal vécu par un Savoire qui traversait sur le plan personnel une période très difficile, l’état de santé de son fils unique était de plus en plus préoccupant, amena la rupture. Camille Savoire démissionne du Grand Orient et crée le Grand Prieuré des Gaules le 23 mars 1935.
Dans un premier temps, par fidélité à Savoire et par dépit pour une décision du convent ressentie comme injuste pour des vieux serviteurs de l’obédience, Louis Charrière semble dans une position d’attente. Il participe ainsi à la fondation du Grand Prieuré des Gaules, en tant qu’invité dira-t-il plus tard. Mais, lorsque le nouveau Grand Prieuré met sur la place publique tous les reproches qu’il fait à la rue Cadet et qu’une partie de ses Loges symboliques rejoignent la Grande Loge de France, étrangère à la tradition rectifiée, c’en est trop pour Charrière. Il se fait alors le défenseur des droits du Grand Orient de France sur le RER et n’aura désormais de cesse de le développer. En 1938, il publie un ouvrage essentiel qui propose notamment une très importante documentation sur l’histoire du RER : Le Régime Écossais Rectifié et le Grand Orient de France, notice historique, 1776 à 1938.
En 1939, en dépit de ces controverses, la situation du RER au sein du Grand Orient reste prometteuse. L’obédience compte près de 400 Maçons travaillant dans des Loges symboliques pratiquant le Rite Rectifié (en fait, pour la plupart, ce sont des ateliers qui ont demandé la « cumulation de rites » et le pratiquent en parallèle au Rite Français), quatre Orients – Bordeaux (21 octobre 1930), Besançon (6 novembre 1937), Toulon (18 janvier 1938) et Nice (19 février 1938) – comptent une Loge de Maîtres Écossais de Saint-André et une dizaine de CBCS lui sont restés fidèles. Piqués par le départ de Camille Savoire, qui a été pour beaucoup un véritable traumatisme tant il était associé à la rue Cadet, la direction du Grand Orient accorde largement en 1938, ce qu’elle avait difficilement concédé en 1935. Le 18 juin 1938, le Conseil de l’Ordre approuve une décision du Grand Collège des Rites créant en son sein le « Directoire Écossais des Anciennes Provinces de France », qui prend dans les semaines qui suivent le nom de « Grand Prieuré Indépendant des Anciennes Provinces de France », en abrégé « Grand Prieuré Indépendant de France ». Louis Charrière en est l’âme et en devient le numéro deux avec l’office de Grand Chancelier
(Vous pourrez retrouver la biographie complète de Louis Charrière dans le catalogue de l’exposition du Musée de la franc-maçonnerie sur le RER)